Interview du docteur Jacky Israël

Le docteur Jacky Isrêl est pédiatre, auteur de nombreux livres, dont « Enfants, mode d’emploi à ll’usage des pères » aux éditions Anne Carrière, 2010.

Il a accordé une interview parue en mars – avril 2009 dans la revue des Auxilliares de Puériculture.

En voici quelques extraits :

« Qu’il le veuille ou pas, le père est en décalage permanent avec la mère, car il n’a pas porté le bébé et il ne pourra pas, quoi qu’il fasse, s’approprier ce qui s’est passé durant ces longs mois de vie intra-utérine.

Quelles que soient ses capacités à ressentir le bébé, il est venu de l’extérieur dans une sorte de discontinuité qui n’a rien de comparable avec le sentiment qu’a le bébé de faire partie de sa maman et réciproquement. Si cette unité mère/bébé génère souvent de la confusion et provoque une continuité de ressenti entre la mère et son bébé, elle est quasi irréalisable pour le père.
Quoi qu’il fasse, il intervient de l’extérieur et avec une certaine distance, une attitude qu’on pourrait déjà qualifier de face à face.
Toutes les études montrent que les pères sont plus dans une communication physique active, voire perturbante, alors que les mères ont tendance à être plus enveloppantes et plus douces. Le père doit être à l’écoute de l’enfant pour répondre à ses besoins mais ce ne sera possible qu’en se mettant à son niveau, et en oubliant, autant que faire se peut, ses propres désirs d’adulte.
Par contre bien des couples s’imaginent qu’il suffit de partager le temps auprès du bébé ou du jeune enfant pour qu’il ait son compte de père et de mère.
Bien mal leur en prend, car un père ne peut remplacer une mère, excepté quand elle est complètement absente ou dans l’incapacité d’assumer son rôle.
Les études sur l’attachement prouvent que le bébé ou jeune enfant a plus besoin de mère que de père après son séjour in-utéro.  La figure d’attachement principale est la mère, même si le père occupe une place importante. La mère passe de la continuité à la discontinuité sans jamais être dans le même rythme que le père. Pour illustrer ce décalage, il suffit d’évoquer les troubles du sommeil du nourrisson consécutifs à la socialisation ou tout simplement au manque de contact avec sa mère, le soir au retour du travail.
La mère est par définition un port d’attache auprès duquel l’enfant puise une sécurité affective indispensable à sa survie. Quelles que soient les qualités sécurisantes et affectives du père, ce n’est pas « une mère comme une autre. »

Jusqu’à  trois ans, la figure d’attachement principale est incarnée par la mère et une garde alternée n’est pas souhaitable. En revanche, je suis favorable au modèle du calendrier évolutif proposé par Terry Brazelton*, qui établit un rythme de rencontre entre le père et l’enfant évoluant selon l’âge de ce dernier.