PUBLICATION DE MADAME C. ZAOUCHE GAUDRON

Madame Chantal Zaouche-Gaudron, professeur en psychologie du développement à l’université de Toulouse,  a publié un article dans la revue « Neuropsychiatrie de l’Enfance et l’Adolescence », novembre 2010 intitulé :  « Le développement de l’enfant en résidence alternée : revue de la question »

Elle aborde la question de l’adaptation du jeune enfant en résidence alternée, en s’appuyant sur une publication de R. McKinnon et J. Wallerstein (1986)

 

Wallerstein et McKinnon ont suivi sur une période de 2 à 4 ans, sept enfants de 1 à 3 ans, et dix neuf enfants de 3 à 5 ans, en résidence alternée (à des rythmes variables ou non précisés) choisie, et c’est un point important,  par les parents eux-mêmes. Aucune n’avait été imposée par un tribunal ou par médiation judiciaire interposée.

Ces familles ont été suivies dans un Centre de Conseil familial spécialisé dans les divorces,  qui a tout mis en œuvre pour que la résidence alternée aboutisse à un résultat positif.

Or, malgré ces conditions spécialement favorables, 60 % des enfants de 1 à 3 ans, et 84 % des enfants de 3 à 5 ans allaient mal.

Enfants de 1 à 3 ans

En ce qui concerne les 3 enfants, de 1 à 3 ans, qui allaient bien, un bébé de 14 mois était en « birdnesting », c’est-à-dire qu’il restait au domicile, dans le même environnement, et ce sont ses parents qui alternaient chaque jour. Si on enlève ce cas très particulier, ce sont alors 72 % des enfants de 1 à 3 ans qui vont mal

Pour ces 3 enfants qui allaient bien, Wallerstein et McKinnon expliquent:

«   Le bien être semble principalement lié à la disponibilité des parents qui  voulaient et étaient capables de synchroniser les habitudes routinières de l’enfant de façon à ce que l’enfant connaisse un environnement stable dans chaque foyer. Le succès d’un tel arrangement nécessitait une communication quotidienne et la volonté d’une coopération rapprochée  entre les deux parents sur les détails du fonctionnement de leur enfant. Dans ces familles, les deux parents travaillaient, ce qui exigeait aussi d’excellents soins de jour.« ». 

 

Enfants de 3 à 5 ans

En ce qui concerne les enfants de 3 à 5 ans, les auteurs précisent que tous, malgré le suivi dans le centre, « ont continué à manifester de sérieux symptômes. » Seuls 3 enfants, là aussi,  allaient bien.

Les auteurs citent un exemple intéressant sur la façon dont l’enfant peut vivre ce mode de garde. Ils relatent qu’un enfant avait fait un état de panique, refusant de sortir de la voiture et quand plus tard on lui demanda ce qu’il lui était arrivé il a répondu : « maman a une maison et papa a une maison, mais moi je n’ai pas de maison ! »

Elles concluent leur étude en disant :

«  Nous avions espérés que  la garde conjointe protégerait les enfants de l’anxiété et de la peine qui avaient été décrite pour les enfants de cet âge là. Mais ce n’est pas ce que nous avons trouvé. » 

 

Conclure, comme le font certains, que les enfants de 1 à 3 ans s’adaptent mieux que les enfants de 3 à 5 ans, relève quelque peu de la manipulation.

ARTICLE DU PROFESSEUR BERNARD GOLSE, LE MONDE 15-12-2011

Article paru dans le journal Le Monde le 15-12-2011

A propos de la résidence alternée et de  la proposition de loi Mallié Decool qui voudrait la systématiser

 

Professeur Bernard Golse, Pédopsychiatre-Psychanalyste / Chef du service de Pédopsychiatrie de l’Hôpital Necker-Enfants Malades (Paris)  / Professeur de Psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à l’Université René Descartes  (Paris 5) 

La résidence alternée ou l’intérêt premier des adultes
(Au sujet de la proposition de Loi MALLIE, DECOOL et DELATTE)

Par Bernard GOLSE

La question passionnelle de la résidence alternée pour les enfants de couples séparés, me fait souvent penser à celle des rythmes scolaires où, sous couvert de l’intérêt premier des enfants, il ne s’agit au fond que de la préservation de l’intérêt ou du narcissisme des adultes.
Si dans quelques rares situations, la disposition de la résidence alternée peut s’avérer utile pour l’enfant, il y faut nombre de conditions qui ne sont en rien respectées dans l’actuelle loi de mars 2002 qu’il faudrait amender, mais que l’actuel projet de loi Mallié/Decool durcit encore davantage.

Le 15 avril 2010, j’ai été invité par Richard Mallié et Jean-Pierre Decool à un petit déjeuner de travail au sénat pour parler du projet de loi que ces deux députés UMP, et leur collègue Rémi Delatte, souhaitaient proposer quant aux modifications de la législation en matière de résidence alternée, afin que celle-ci puisse être mise en œuvre plus fréquemment et plus systématiquement.
J’avais alors précisé que cette mesure ne saurait s’appliquer aux enfants de zéro à trois ans environ (deux ans et demi pour les uns, trois ans et demi voire quatre ans  pour d’autres) qui ont d’abord et avant tout besoin de se forger une figure principale d’attachement comme fondement de leur sécurité interne.
J’ajoutais d’autre part qu’après cet âge, cette mesure ne pouvait se penser que dans des conditions bien précises, notamment quant au rythme raisonnable de l’alternance, quant à la proximité du domicile des deux parents, mais surtout –seulement, et seulement si – cette mesure était souhaitée, en bonne intelligence, par les deux parents simultanément.

Quelques mois passèrent, on pouvait penser que l’affaire était entendue, et j’ai eu alors la faiblesse de croire que mes propos avaient eu un certain écho …
Ceci n’était que pure naïveté de ma part puisque non seulement ce projet de loi va être à nouveau soumis à discussion, mais qu’il aura fallu que je me mette très en colère pour que mon nom soit enfin retiré des attendus de ce projet absurde, voire scandaleux.
En effet, dans les motifs de justification de leur proposition de loi, Monsieur Mallié me faisait dire ce que je n’avais jamais dit et encore moins pensé, à savoir qu’après l’âge de deux ans et demi, la résidence alternée serait «profitable» à l’enfant,  autrement dit souhaitable !

Ce que je crois, essentiellement, c’est que la polémique à propos de la résidence alternée est une stricte affaire d’adultes qui n’ont rigoureusement que faire de l’intérêt premier de l’enfant.
Hormis quelques cas d’entente suffisamment bonne entre les parents qui heureusement existent, la plupart du temps la résidence alternée se trouve prise dans les conflits mêmes qui ont motivé la séparation et qui lui survivent parfois longtemps.
Il ne s’agit le plus souvent que d’un moyen de continuer à se déchirer sur le dos de l’enfant dont l’intérêt premier passe à la trappe, comme dans le cas de cet enfant d’à peine deux ans que j’ai personnellement suivi et qui faisait, chaque semaine, plus de mille kilomètres en train pour passer du domicile d’un parent à l’autre !

Certains parents veulent l’imposer en pensant que l’amour que l’enfant leur porte n’est qu’une question de temps passé ensemble, quand ce n’est pas pour des raisons purement financières, mais en oubliant qu’être l’enjeu de parents qui ne s’entendent pas ou se déchirent est bien plus dévastateur pour l’enfant qu’une dissymétrie des temps de résidence.
Mais le narcissisme est plus fort que tout, et l’invocation du «syndrome d’aliénation parentale», pur fantasme d’une nosographie psychiatrique soi-disant moderne qui ne repose sur aucune base scientifique, ne fait que recouvrir l’agressivité et les carences des adultes sous les oripeaux d’une fallacieuse scientificité.
Il y a mille et mille manières de nuire aux enfants, et elles sont toutes répréhensibles, mais elles le sont encore plus quand elles se cachent derrière une pseudo-attention à leur intérêt premier, car l’agressivité se double alors d’une inadmissible hypocrisie.
Une fois de plus, on sent bien les effets de l’ambivalence envers les enfants et envers l’enfance, ambivalence qui meut certains lobbies de parents haineux ou esseulés et dont la garde de l’enfant n’est plus que la dernière arme envers leur ancien conjoint, et le gage d’une réassurance personnelle qui néglige, sans vergogne aucune, les besoins fondamentaux des enfants dont ils ont pourtant la responsabilité.

Ce projet de loi à visée purement démagogique et électoraliste, risque malheureusement de voir le jour, et les juges pourront ainsi imposer – plus encore qu’ils ne le font déjà trop souvent – la résidence alternée à des parents qui ne sont aucunement en mesure de la faire fonctionner de manière harmonieuse.
Mais les apparences seront sauves : les parents seront traités à égalité, et on pourra même se faire croire que cela est bon pour les enfants.
Populisme oblige !