Les « Journées de l’Encéphale »

…se sont tenues à Paris. Voici un compte rendu très intéressant :

Figaro du 17 01 06 : CATHERINE PETITNICOLAS

De 10 à 15% des 750.000 jeunes accouchées par an en France souffrent de dépression, surtout dans les trois premiers mois après la naissance de leur bébé. Avec des répercussions possibles sur son développement cognitif ultérieur, surtout si la mère est isolée. « C’est un véritable problème de santé publique, pourtant encore assez mal pris en compte, alors que c’est la complication la plus fréquente du post- partum», a tenu à insister le Pr. ANNE LAURE SUTTER, du service universitaire de psychiatrie à Bordeaux, à l’occasion d’une session plénière consacrée aux enfants de parents atteints de troubles psychiatriques lors du quatrième congrès de l’encéphale, la semaine dernière, à Paris.

Ce type de dépression semble en effet en augmentation, à l’inverse de la grande psychosepuerpérale aiguë, avec risque majeur de suicide et d’infanticide. Stable depuis le XIXe siècle, elle représente toujours 2% des cas après une naissance.

Tristesse, grande fatigue, difficultés d’endormissement, irritabilité, anxiété dont souffrent certaines jeunes femmes épuisées après un accouchement doivent attirer l’attention. Elles se plaignent aussi d’une grande culpabilité et d’un sentiment d’incapacité teinté de vives inquiétudes pour la santé de leur bambin.

En réponse à cette souffrance maternelle, ce dernier peut avoir des troubles fonctionnels (régurgitations par exemple).

C’est dire l’importance du rôle du pédiatre en première ligne pour rechercher de tels symptômes et diagnostiquer une dépression chez la maman qu’il ne faut pas banaliser mais prendre en charge. Par une psychothérapie, éventuellement des antidépresseurs, mais aussi en sachant proposer une aide familiale pour relayer cette jeune femme épuisée. Car le risque, c’est qu’un dysfonctionnement s’installe dans la durée. Avec au pire de la maltraitance.

«Dans une société hyper-individualiste qui souffre d’un manque de repères, les jeunes couples savent de moins en moins quels sont les besoins d’un petit enfant», analyse le Pr. ANNE DANION, professeur de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à l’université Louis-Pasteur de Strasbourg, soulignant l’importance de l’«accordage affectif» mère-enfant décrit par DANIEL STERN : la mère perçoit les émotions de son nourrisson et va lui montrer qu’elle les a comprises avec des intonations, des gestes, des sourires, des mimiques, etc.

En retour, l’enfant saisit progressivement que ses propres émotions ont été bien captées. Tout ceci va faire le lit du langage.

Difficultés d’accordage

Mais les réactions d’un bébé sont très influencées par l’état psychique de sa mère comme l’objectivent très bien des vidéos dites de «still face» (visage immobile). Un nourrisson de six semaines sourit, écarquille les yeux, ouvre les lèvres en forme de «O», tente de se redresser s’il est sollicité par une mère bien dans sa peau. A l’inverse, une femme déprimée, absente affectivement, s’exprimant sur un ton monocorde, n’arrivera pas à susciter l’intérêt de son bébé du même âge, qui s’affaisse dans son «transat», à moitié endormi.

Reste qu’il n’est pas toujours facile de devenir mère et que ces difficultés d’accordage font le lit de la dépression. Et ce dans tous les milieux. «On a réduit drastiquement le temps passé à la maternité, qui permettait de faciliter l’instauration de ce précieux lien entre les mères et leur bébé », déplore le Pr. DANION. Il faudrait qu’il y ait à l’extérieur, dès le retour à la maison, des équipes de puéricultrices pour pallier cela et aider les jeunes mères.»

D’autant que la valeur de l’exemple de la transmission intrafamiliale se fait rare.

Ce médecin s’interroge aussi sur la continuité de ce lien à l’issue du congé maternité, qui en France est beaucoup trop court par rapport aux pays scandinaves. Les jeunes femmes travaillent, confient leur bébé à une nourrice ou à une crèche, et courent tout le temps.
«On voit des nourrissons qui passent d’un lien à l’autre et qui en réaction bougent beaucoup et peuvent devenir tyranniques», constate le Pr. DANION.
Notre mode de vie actuel n’est-il pas directement la cause de l’augmentation des cas d’hyperactivité et plus largement de comportements d’enfants capricieux voire même tyranniques ?»

Forte de son expérience de psychiatre spécialiste des enfants et des adolescents, elle plaide pour un congé maternité plus long, idéalement entre six et douze mois. «Mettre un enfant en garde dès l’âge de deux mois et demi est une aberration. Car la socialisation n’a de sens que si le lien avec la mère est déjà suffisamment solide.»